Le chef aquitain François Adamski, Meilleur Ouvrier de France (MOF) et Bocuse d’or, s’est rendu en Martinique en novembre dernier. Objectif : revisiter la cuisine et les produits locaux.
François Adamski a manqué cette année la troisième édition de Bordeaux S.O Good, la manifestation qui réunit en novembre la galaxie gastronomique aquitaine. Et pour cause, il participait au premier Martinique Chefs Festival, sollicité par son ami de vingt ans le chef martiniquais Jean-Charles Brédas. Avec une douzaine d’autres étoilés, il a répondu à l’invitation de Jacques Merle, président de l’association Taste of Martinique, qui a créé cet évènement pour promouvoir la cuisine créole, mais aussi la faire évoluer. Leur mission : travailler les produits locaux en les revisitant à l’aune de leur savoir-faire. Le MOF, une étoile à L’Abbaye de Saint-Ambroix à Bourges puis au Gabriel, à Bordeaux, dorénavant président de la Team France du Bocuse d’or, a saisi cette occasion pour imaginer avec son vieil ami un menu à quatre mains.
Un quatre mains
À peine débarqué de l’avion, il s’est laissé guider sur le marché de Fort-de-France. Rien de tel pour humer les épices qui débordent des étals, découvrir de nouveaux légumes et goûter des herbes inconnues. Comme le chardon béni, proche de la coriandre, qu’il choisit pour composer la sauce qui accompagnera le filet de bœuf programmé pour le repas. La carambole, fruit cultivé sur place, apportera une juste pointe d’acidité, quand la papaye sera transformée en julienne et le « coco bourrique » en chips. Ce tubercule entre igname et pomme de terre, dont le nom signifie « testicules d’âne » n’a pas la cote. En incitant des chefs prestigieux à les cuisiner, les organisateurs du festival ont trouvé là un moyen de mettre en valeur des fruits et légumes oubliés.
Imprégnation
François Adamski, lui, est ravi de ses découvertes. « Le marché avec ses odeurs et ses couleurs est une source d’inspiration » assure-t-il. Savourer la cuisine locale en est une autre.
Le maître restaurateur Brédas a concocté pour ses alter ego un menu d’exception — tartare de thon au chèvre, foie gras poêlé aux bananes, médaillons de veau boucané — qui mêle le savoir-faire acquis en métropole, où il a passé dix ans, à sa science des herbes et épices. Un concentré de saveurs qui associe le sucré, l’épicé, le fruité et l’acidité à autre chose, de plus indéfinissable. « Ma cuisine est une pensée » glisse-t-il en confiant y mettre beaucoup de lui. Une cuisine qui s’apparente presque à une quête, celle « du bien-être de l’humain ». Son ami Adamski s’est, lui, laissé séduire par le mode de cuisson du veau, fumé, proche de la cuisson aux sarments de vigne qu’il affectionne. C’est dans le four à boucaner situé dans le jardin du restaurant qu’il cuira son filet de bœuf.
« C’est par imprégnation que les idées d’associations se mettent en place », observe celui qui concédait, quelques jours auparavant, méconnaître les produits martiniquais et être davantage sensible aux influences asiatiques. Reste que ce n’est pas un exercice facile que de cuisiner dans un espace que l’on ne connaît pas surtout quand il s’avère plus sommaire que ce à quoi on est habitué. Pas vraiment un obstacle pour cet habitué des concours, qui entend ici « faire plaisir à son hôte et à ses invités », soit quelque 80 personnes qui se délectent de chaque plat de ce déjeuner hors du commun.
Encourager la relève
« Faire plaisir au client plutôt que se faire plaisir est la base du métier », expliquait-il en effet quelques heures plus tôt aux élèves du lycée hôtelier de Bellefontaine. Un établissement que l’Aquitain était venu inaugurer dix ans auparavant et qu’il retrouve avec intérêt. Car cette manifestation vise aussi à susciter des vocations et à prouver à ces jeunes qu’il est possible de réussir. Certains d’entre eux se sont d’ailleurs portés volontaires pour relever un vrai défi. Préparer un plat à base de thon évalué par un jury composé de deux MOF, François Adamski et Philippe Joannes, du Fairmont Monte-Carlo. Les élèves ont gardé un souvenir ému de leur expérience, assorti de quelques selfies, et les chefs ne sont pas revenus les mains vides. Dans leurs valises, des épices, du rhum et de nouvelles influences culinaires.
