Dans un petit village de Dordogne, la discrète tannerie de Chamont est l’une des dernières à pratiquer le tannage végétal, dans les règles de l’art.
À la sortie du village de Saint-Pardoux-la-Rivière en Dordogne, la bâtisse centenaire en pierre est posée sur le bord de la Dronne. De tout temps, les tanneries ont en effet eu besoin d’eau pour exercer leur activité. Il en reste aujourd’hui moins d’une vingtaine en France. Celle-ci est l’une des dernières à utiliser des extraits végétaux pour rendre les peaux imputrescibles et imperméables. Une méthode utilisée par les anciens, mais qui s’est vue progressivement supplantée par l’usage du chrome au XIXe siècle. Plus rigide, plus ferme et surtout très résistant, le cuir tanné avec des extraits de plantes comme le châtaignier ou le mimosa, présente une bonne tenue et une meilleure absorption de l’humidité. C’est pour cette raison qu’il reste privilégié par le secteur de l’équitation. D’autant que le cheval est un animal sensible qui peut réagir à la présence de chrome en perdant ses poils. Chamont est restée fidèle à sa vocation depuis sa création en 1903. On continue à y préparer les peaux pour la sellerie haut de gamme, l’un des principaux débouchés de l’entreprise.
De nombreuses étapes
Si la crise pétrolière et les contraintes environnementales ont mis un coup d’arrêt aux activités des tanneries françaises, — de 75 dans les années 1980, elles sont passées à 56 onze ans plus tard—celle-ci doit sa survie à la sagacité de l’entrepreneur, Marek Sus, qui l’a reprise en 1991. Aujourd’hui, les hui salariés font les mêmes gestes que leurs prédécesseurs, mais les étapes de production ont été rationalisées et l’outil modernisé. Les peaux arrivent salées. Plusieurs bains sont alors nécessaires pour les dessaler et leur redonner un taux normal d’humidité. Elles sont traitées avec un mélange de sulfure de sodium et de chaux destiné à dissoudre le poil. Cette première étape est appelée “la rivière” parce qu’elle était pratiquée à même les cours d’eau adjacents. Aujourd’hui, les rejets sont extrêmement contrôlés et chaque tannerie dispose de sa propre station d’épuration. L’écharnage permet ensuite d’enlever mécaniquement les restes de chair et de graisse avant le tannage. Dans des foulons rotatifs de 16 m3, quatre tonnes de peau de gros bovins s’imprègneront pendant 4 jours des extraits végétaux mélangés à l’eau de la rivière chauffée. Vient ensuite le corroyage : rincées et égouttées, elles passeront dans différentes machines successives pour être mises à la bonne épaisseur, déridées, aplaties et nourries avec des huiles de poisson. « C’est à ce moment-là que le tanneur peut véritablement en apprécier la qualité et que certaines cicatrices deviennent visibles », précise Marek Sus. D’où l’importance de bien sélectionner ses peaux et de travailler en amont avec les éleveurs pour s’assurer que les bêtes sont bien traitées. Les croupons de cuirs sont d’abord suspendus à l’air libre pendant plusieurs jours, puis séchés avant de partir à l’atelier de finissage, pour être teints en quatre couleurs. Ils sont dorénavant prêts à vieillir naturellement et à prendre cette patine unique qui leur donne tout leur caractère.
Ce salon, dont la prochaine édition se tiendra les 30 septembre, 1er et 2 octobre à Saint-Yrieix-la-Perche (87), a pour vocation de mettre en lumière cette filière et la diversité de ses savoir-faire. Au programme : des démonstrations et des ateliers d’initiation pour découvrir les entreprises françaises de la tannerie, de la mégisserie et du haut de gamme. Cette année, des designers plancheront sur le thème « Cuir & Porcelaine : les nouveaux usages de la pause déjeuner ».
avenue de Beaumont, 24470 Saint-Pardoux-la-Rivière.Tél. 05 53 56 70 13