Darricau et la chocolaterie

La maison bordelaise célèbre cette année ses 100 ans. Un anniversaire marqué par l’arrivée de Clément Garrigue, 4e génération de cette famille de pâtissiers-chocolatiers.
 
Une affaire de famille
DarricauEn avril 1913, le Landais Joseph Darricau, devenu le cuisinier des tsars, choisit Bordeaux pour son retour en France. Il s’installe au numéro 7 de la place Gambetta, où il inaugure deux ans plus tard sa pâtisserie. L’homme décède peu après mais son épouse conserve l’affaire jusqu’en 1931. C’est Maria Garrigue, une pâtissière paloise qui la rachète pour y installer Rodolphe, l’un de ses fils (le second rejoindra la Maison Dodin à Biarritz). Le salon de thé, où le tout-Bordeaux se presse pour déguster des pâtisseries, au son d’un orchestre, occupe alors trois arcades. On y organise aussi des réceptions. Rodolphe, qui a conservé le nom d’origine, transmet à son fils Marcel, diplômé de l’École hôtelière de Lausanne, en Suisse, son intransigeance et sa quête de l’excellence. Michel, l’actuel propriétaire et arrière-petit-fils de Maria Garrigue, entre dans l’affaire « comme on entre dans les ordres » en 1974, son Cap de pâtissier-chocolatier en poche. Au départ à la retraite de son père, il réalise qu’il passe plus de temps « à remplir des formulaires qu’à monter des ganaches ». Il est temps de changer les choses. Il décide alors, avec son épouse, Laurence, de réduire la surface de l’entreprise, le nombre d’employés passe de 18 à 3, et de se recentrer sur le chocolat. Pendant ces vingt années passées aux côtés de son père, ce chocolatier dans l’âme a eu le temps de mûrir sa « bibliothèque de goûts ».

Mémoire olfactive et gustative
DarricauSa première création, il la met au point en cherchant à associer vin et chocolat, une évidence pour le Bordelais. En réalisant des essais avec des raisins secs macérés dans du saint-estèphe, mélangés à du praliné, trempés dans du chocolat et roulés dans un sucre à la cannelle, il donne naissance au Pavé, devenu un classique de la maison. Il s’appuie sur sa mémoire olfactive pour inventer d’audacieux mélanges et marie le chocolat aussi bien avec des épices, qu’avec des végétaux, ou des fruits. Près de 70 variétés différentes voient le jour au fil des ans. Parfois un peu en avance sur leur temps comme les Sushis à base de ganache à l’alcool de riz et au thé vert, de pâte d’amande au gingembre, de praliné cacahouète wasabi qui, au moment de leur création il y a 10 ans, ont fait un flop. « Les gens n’étaient alors par prêts pour ces saveurs nouvelles », analyse-t-il avec le recul. Aujourd’hui c’est un must de l’hiver. Mais cette belle histoire semblait sur le point de se terminer. Les trois enfants du couple n’ayant pas particulièrement manifesté leur intérêt pour la chocolaterie familiale, Michel était prêt à passer la main, la soixantaine venue. Jusqu’à ce revirement soudain qui a bouleversé la donne, il y a un an. Clément, le benjamin féru de surf, qui avait entrepris des études de graphisme, se déclare. S’il y pensait depuis quelque temps, il gardait pour lui son projet de prendre la suite. Une bonne surprise pour ses parents qui envisagent l’arrivée de leur fils comme une porte ouverte sur l’avenir. Avec quelques projets à la clef. La rénovation du laboratoire dans un premier temps, et ensuite, pourquoi pas un bar à chocolat rue de la Vieille Tour ? En attendant, le jeune homme, qui a obtenu son CAP en juin, va continuer à se former aux côtés de son père puis dans les meilleures maisons. La relève est assurée.

Le retour du Béret basque
DarricauDans les années 1930, lorsque Samuel et Rodolphe Garrigue créèrent le Béret basque, il devint vite une addiction et un rituel – on venait avec enfants et petits enfants le déguster, le jeudi après midi. Pour fêter ses 100 ans, Michel Garrigue remet la main à la pâte en relançant la fabrication de l’unique pâtisserie de la maison. Génoise aux blancs montés imbibée de sirop au chocolat, mousse meringuée au cacao brésilien, vermicelles noirs… la recette conçue par le grand-père Rodolphe, est restée inchangée. Une pâtisserie qui devrait ravir les nostalgiques. Pour les autres, le chocolatier a aussi imaginé une variante à base de rhum.
7 place Gambetta à Bordeaux
Tél. 05 56 44 91 49
ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h
«www.darricau.com »