La pêche aux écluses, un héritage patrimonial

Dans l’île d’Oléron, cette méthode de pêche traditionnelle perdure grâce à l’obstination d’une poignée de passionnés. Philippe Fonteneau est l’un d’eux.

La pêche aux écluses©patricia-mariniEnfant, Philippe Fonteneau remplissait sa gourbeille en osier de bars, de seiches, d’orphies, de mulets frétillants chaque fois qu’il partait pêcher avec son père. « Il fallait même parfois appeler des voisins à la rescousse », se souvient-il avec nostalgie. « Aujourd’hui, on s’estime heureux d’attraper un poisson de temps à autre. C’est bien là la preuve de l’effondrement de la ressource », regrette ce quinquagénaire, codétenteur depuis vingt-cinq ans d’une écluse à poissons. Cette technique, qui consiste à piéger sa proie dans un espace se découvrant à marée basse, est pratiquée en Charente-Maritime depuis le Moyen Âge. À marée montante, le poisson entre dans la « foue », une zone délimitée par un mur en forme de fer à cheval édifié avec des pierres calées les unes sur les autres, qui peut atteindre jusqu’à 1 kilomètre de longueur. Quand la marée redescend, l’eau s’écoule rapidement par des ouvertures aménagées à cet effet. Il suffit alors au pêcheur de poursuivre à pied les poissons qui s’y trouvent prisonniers et de les attraper avec son haveneau, un filet lesté. L’espiotte, un outil en fer plat, est quant à elle utilisée pour les assommer.

Un mode de pêche identitaire

La pêche aux écluses©patricia-mariniLes quelque 237 écluses que comptait l’île à la fin du XIXe siècle, sur la face ouest de son estran rocheux, ont nourri bien des familles oléronnaises. Il en reste 17, entretenues par une centaine de bénévoles regroupés au sein de l’Association pour la sauvegarde des écluses. « Ce mode de pêche ancestral a marqué l’identité et le quotidien des habitants des villages côtiers », insiste Philippe Fonteneau, également trésorier de l’association. Autorisé à un nombre limité de codétenteurs qui doivent se coopter, cet usage, qui relève du domaine public maritime, est régi par des lois strictes qui peuvent se révéler contraignantes. Si chaque membre de l’équipe se voit attribuer par le chef d’écluse deux marées de pêche, dont une nocturne, qui permettent notamment de surveiller l’état de l’installation, il doit aussi assurer tous les quinze jours une marée de travail. Un dur labeur qui consiste à ramasser de lourdes pierres pour restaurer l’édifice en butte aux assauts perpétuels de l’Océan. L’équipe de Philippe a mis près de huit ans pour réparer une centaine de mètres du mur des Vincentes, à l’Écuissière. Pour autant, ce passionné n’abandonnerait pour rien au monde sa part d’écluse : « Même si on n’y pêche quasiment plus rien, on y ressent toujours l’ivresse de l’estran. » Une sensation de liberté incomparable qui explique pourquoi les places d’équipier restent rarement vacantes.

La pêche aux écluses©patricia-marini

 

Une mission double
L’Association pour la sauvegarde des écluses a été créée en 1987 avec une double mission : protéger ce patrimoine et le faire connaître au grand public. Elle apporte ainsi son soutien aux équipes de chaque écluse, qui restent malgré tout indépendantes. « Nous avons par exemple financé l’achat d’une tractopelle destinée à faciliter les travaux d’entretien », détaille son président, Nicolas Seguin. On trouvera par ailleurs matière à s’informer sur cette technique au sein de l’espace muséographique du phare de Chassiron.