deux continents une histoire de liberté

Après le succès de « Taqawan », le dernier roman d’Éric Plamondon, « Oyana », transporte les lecteurs entre le Pays basque et ses terres natales du Québec. Une intrigue à la fois personnelle et fictive.

Nous sommes le 8 mai 2018, l’Euskadita Askatasuna (ETA) vient d’annoncer sa dissolution. Cette nouvelle bouleverse le cours de l’existence d’Oyana, héroïne qui donne son nom au sixième roman d’Éric Plamondon, paru en janvier dernier aux éditions Quidam. Elle vit depuis vingt-trois ans au Québec et elle a toujours dissimulé les liens qui l’unissaient à l’organisme extrémiste. Notamment à son mari, Xavier, à qui elle écrit une longue lettre avant de le quitter.

Vingt-trois ans, c’est aussi le nombre d’années passées par Éric Plamondon à Bordeaux, où il a suivi Anne, rencontrée au Québec. C’est dire si les histoires d’exil, ça le connaît. « Une fois que l’on s’est arraché à la géographie d’un lieu, on doit s’accrocher à son pays intérieur », fait-il écrire à son héroïne, un sentiment nourri par sa propre expérience. Même s’il reconnaît que Bordeaux, dont il ne manque pas de souligner la gentrification dans les pages qu’il lui consacre, lui offre une qualité de vie rare.

INCITER L’INTERROGATION

C’est Anne, encore, qui lui fait découvrir le Pays basque, où résident son oncle et sa tante. Un coup de foudre et un signe pour celui qui, à 27 ans, rédige alors son mémoire de littérature sur « Moby Dick » de Melville. Cette fascination pour la baleine, « animal totem, lieu de l’imaginaire, du non-dit, du mystère », ne le lâchera plus. Il avoue d’ailleurs s’en servir, dans sa narration, comme d’un « trait d’union entre Basques et Québécois, deux peuples mus par un profond désir de liberté ». En y rappelant comment la chasse à la baleine a progressivement entraîné les pêcheurs d’ici là-bas, sur l’île de Terre-Neuve. Mêler faits historiques et fiction dans des chapitres courts – une manière de tenir le lecteur en haleine tout en l’incitant à s’interroger , c’est la marque de fabrique de l’auteur québécois. « Pour écrire une page, j’en écris 20 et j’en lis 200 », assume-t-il. Outre la littérature, il a étudié le journalisme et ne craint pas de s’immerger pendant des semaines dans des recherches pour, au final, « tordre le réel dans la fiction ». Étoffé par des coupures de presse, des témoignages ou des documents , le récit de l’histoire du peuple basque et de ses années de lutte prend corps. L’hommage à l’utopie euskara y est à peine voilé. Éric Plamondon confesse que son côté romantique tend à le placer dans le camp « des plus petits, des opprimés ». Ce qui ne l’empêche pas de multiplier les points de vue pour retranscrire une réalité complexe. « J’écris pour poser des questions. Mais,  attention, “Oyana” est aussi un roman d’amour », revendique-t-il. Avec un retournement final qui n’a rien à envier à un thriller.

PARI TENU
©patricia-marini

Éric Plamondon s’était promis d’écrire son premier roman avant ses 40 ans. Pari tenu : il a achevé en 2009 « Hongrie-Hollywood Express », inspiré par la vie de Johnny Weissmuller, l’acteur ayant incarné Tarzan. L’ouvrage est publié en 2011 par la maison d’édition québécoise Le Quartanier. Après avoir quitté en 2010 l’entreprise américaine Stryker établie à Cestas (33), où il officiait dans la communication depuis dix ans, il passe à la vitesse supérieure. Son cinquième opus, « Taqawan », un roman noir sur le combat des Indiens micmacs de la réserve de Restigouche au Québec, lui a demandé deux ans de travail. Tiré à 50 000 exemplaires, il vient de sortir au Livre de poche, un beau succès de librairie des deux côtés de l’Atlantique, récompensé entre autres par le prix France-Québec 2018.