Vacances à la cité Frugès

La cité imaginée par Le Corbusier à Pessac (33) célébrera ses 90 ans en juin 2016. On peut désormais séjourner dans l’une de ses maisons « gratte-ciel »

cité FrugèsMaryvonne Hargous et Jean-François Clocheau reviennent tout juste d’un voyage de trois semaines en Nouvelle-Zélande et en Australie. Ils ont séjourné à Melbourne, à Sydney et en Tanzanie dans des habitations qu’ils avaient échangées avec la leur. Une maison miroir, appelée aussi « gratte-ciel », qui fait partie du lotissement né en 1926 de la rencontre de l’industriel Henry Frugès et de l’architecte Charles-Édouard Jeanneret-Gris. Ils en ont fait l’acquisition fin 2013 à l’occasion d’un héritage, dans l’idée, non pas d’y vivre — ils habitent à 300 mètres de là — mais de la proposer à l’échange pour pouvoir courir le monde. Depuis, le couple y a reçu des Belges, des Canadiens,des Italiens, des Japonais, des Néo-Zélandais. Des architectes ou des artistes qui ont en commun de s’intéresser à l’oeuvre de Le Corbusier et ressentent la même émotion à l’idée de séjourner dans l’une de ses oeuvres, manifeste d’un habitat moderne pour tous.

Découpage fonctionnel et sanitaire
cité FrugèsL’intérieur de celle-ci, qui n’est pas classée mais juste inscrite au titre des Monuments historiques, a subi quelques modifications dans le respect des règles définies par la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP). « Dans l’esprit de Corbu, explique Cyril Zozor, médiateur du patrimoine à la Maison municipale, le rez-de-chaussée de ces constructions sur pilotis faisait office de niveau technique avec un préau ouvert et un espace fermé pour le garage, quand le premier étage était voué aux pièces de jour, avec la cuisine et le second aux pièces de nuit. » Un découpage autant fonctionnel qu’esthétisant ou sanitaire, selon cet expert. La plupart des habitants ont dorénavant fermé le rez-de-chaussée par des baies vitrées afin d’agrandir la surface habitable (jusqu’à un peu plus de 110 m2 environ). Au 22, on y a installé une cuisine accolée à une salle à manger. Au premier étage, se distribuent de part et d’autre de l’escalier une chambre pour deux personnes et deux salons. Les nouveaux propriétaires ont choisi de les meubler avec des rééditions de la fameuse chaise longue « LC4 », dessinée par l’architecte urbaniste également designer ainsi que des fauteuils de Charlotte Perriand. Au second, à côté de la chambre des parents, la pièce réservée à l’origine à l’enfant unique a été transformée en bureau. cité FrugèsLa salle de bains était prévue dans les plans initiaux, de même que les conduites de chauffage ou d’eau. Une révolution à l’époque, la cité étant destinée à des ouvriers. Enfin, tout en haut, une terrasse à laquelle on accède par un escalier extérieur faisait office de solarium dans le but de préserver la santé des habitants.

Expérience unique
cité Frugès« Tous les éléments patrimoniaux, comme les carrelages, les conduites, les jeux de couleur extérieurs, ont été conservés dans cette maison restaurée par l’architecte Camille Pétuaud-Létang, » assure Cyril Zozor. « Si on n’y vit pas tout à fait comme le proposait Le Corbusier en 1926, cela reste une expérience unique qui répond à une vraie demande. » De fait, le livre d’or de la maison compile les commentaires enthousiastes de visiteurs cosmopolites. Pour que la possibilité d’y séjourner soit offerte au plus grand nombre, le couple a décidé de l’ouvrir à la location, pour une nuit ou une semaine. Ce sera très probablement le cas aussi de la seconde maison qu’ils viennent d’acquérir, une « zig-zag » qui nécessite d’importants travaux de restauration. Qu’à cela ne tienne, Maryvonne et Jean-François sont désireux de jouer un rôle dans la préservation de ce quartier, dont on saura cette année s’il a été retenu pour être classé au registre du Patrimoine mondial de l’Unesco.

Harg House, 22, rue Le Corbusier à Pessac
150 € la nuit, 1 000 € la semaine.